30 décembre 2006

Le CCDH et les MRE : entre confiance et suspicion













La décision de SM le Roi de confier au CCDH la mission de « mener les consultations nécessaires pour la mise en place du CSCME » est perçue par beaucoup de MRE comme une solution de sagesse. Ils y voient une manière judicieuse de faire sortir le dossier CSCME des labyrinthes de départements ministériels embourbés dans des stratégies indéchiffrables et de l’éloigner d’officines partisanes hantées par des préoccupations électoralistes à courte vue.
Cela dit, des questions de fond restent posées :
Est-ce que le « faire » et le « savoir faire » du CCDH sont plus efficients que « le faire » du gouvernement et le « savoir faire » des partis politiques qui n’ont pas su gérer la question de la représentativité institutionnelle et politique des MRE. le CCDH trouvera t-il le cadre, les méthodes, le discours, la volonté et l’énergie nécessaires pour sortir le dossier du CSCME de l’impasse ?
A priori, il n’y a aucune raison de douter de la capacité des membres du CCDH, de trouver les solutions les plus réalistes et les plus justes pour favoriser la mise en place d’un Conseil incontestable à la hauteur des espérances des MRE.
La présence à la tête de cette institution d’une éminente personnalité, M. Driss Benzekri, qui a montré dans d’autres circonstances un attachement indéfectible aux valeurs de liberté et de justice et a fait preuve d’une admirable volonté dans la gestion d’un dossier éminemment plus difficile (IER), ne peut être qu’un atout majeur en faveur d’une gestion rationnelle et transparente du dossier CSCME. Cette présence c’est aussi, pour les MRE, un gage de confiance.
Il nous semble, par conséquent, assez difficile d’imaginer un instant que les membres du CCDH soient tentés, de quelque manière que soit, de verser dans le favoritisme et le clientélisme et de prendre ainsi le risque de décevoir à la fois la confiance que SM le Roi leur a témoigné et l’espoir que placent les MRE dans la mise en place d’un Conseil véritablement représentatif.
Toutefois, force est de constater que les premiers actes du CCDH et les premières déclarations de certains de ses membres laissent perplexes. Ils donnent quelques frayeurs et sueurs froides aux MRE.
Lorsqu’une association MRE (AMOME), tire le signal d’alarme pour dire que « les principes de neutralité et de pluralisme sont bafoués » ce n’est certainement pas par pur caprice de MRE. Elle ne fait que traduire une inquiétude légitime partagée par une majorité de nos compatriotes surpris de voir des « clubs », des « ONG » et même des individus « squatter » les coulisses du CCDH et, comble de l’imposture, se substituer à eux pour parler en leur lieu et place sans vergogne ni retenue.
Ce qui semble aujourd’hui conforter ce sentiment de doute et cette inquiétude c’est probablement la multiplication de « signes négatifs » en provenance de Rabat, donnant l’impression que les jeux sont faits et que le reste ne sera que saupoudrage.
En effet, quand le CCDH entoure de « faveurs » et de sollicitations bienveillantes quelques associations « bien choisies » au détriment des autres et quand le nom même du futur président du CSCME est annoncé avant que débutent les fameuses consultations invoquées par le CCDH, les MRE ne peuvent que se poser des questions et douter.
Lorsque l’association AMOME qualifie cette manière de « faire » et de voir les choses comme « un acte discriminatoire dont est victime l’ensemble du monde associatif de notre communauté », elle n’a pas tort, car c’est précisément ce que pensent des centaines d’associations qui, se sentant ignorées, envisagent de recourir à d’autres formes de contestation (le boycott), voire solliciter l’arbitrage de SM le Roi.
Et quand M. Abbas Bouderka déclare que le CCDH est disposé à " étudier toutes les idées et propositions qui lui sont soumises », les MRE ne sont pas pour autant rassurés. Car ce qu’ils constatent réellement, avec amertume, c’est qu’aucune décision sérieuse n’a été prise par le CCDH pour rendre possible la circulation de ces idées et la présentation de ces propositions.
C’est un fait, les différents gouvernements n’ont pas su (ou pu), depuis 1992, trouver la bonne méthode pour approcher la question de la représentativité politique et institutionnelle des MRE. Toutes les tentatives ont échoué.
Aujourd’hui, la balle se trouve, par la volonté de SM le Roi, dans le camp du CCDH. Les MRE sont donc en droit de demander à son président et à ses membres de rentrer sérieusement dans le vif du sujet en engageant rapidement les consultations qui s’imposent.
Effectivement, pourquoi continuer à travailler dans l’opacité et laisser la rumeur s’étendre et le doute s’installer ?
La question de l’exercice des droits civiques des MRE est une question de droit et une affaire d’égalité devant la citoyenneté (cf. dernier livre de M. A. Benlgendouz) qui concerne plus de 3 millions de marocains. Ce droit et cette égalité ont été solennellement annoncés par SM le Roi à différentes reprises. Où est donc le problème ?
Soyons donc tous transparents et audacieux. Utilisons les méthodes les plus éprouvées pour résoudre cette « affaire » et sortir définitivement le dossier CSCME de l’impasse.
Adoptons, s’il le faut pour gagner du temps et économiser les énergies, les méthodes utilisées par la commission de l’IER pour collecter les témoignages des victimes des années de plomb.
Optons, si ces formules ne conviennent pas, pour la procédure des auditions publiques. Que le CCDH laisse les associations les plus sérieuses venir à Rabat lui présenter des projets. Qu’il leur donne l’occasion de défendre ces projets devant lui publiquement. Ou bien, que les membres du CCDH prennent l’initiative de venir sur le terrain pour rencontrer les MRE et pour écouter leurs doléances.
Le CCDH n’a finalement que l’embarras du choix. Il peut même, s’il le souhaite et afin d’éviter toute suspicion, utiliser des procédures qui ont fait leurs preuves dans le domaine économique en particulier celles utilisées pour l’attribution des marchés publics. Rien ne l’empêche aujourd’hui de lancer un appel d’offre ouvert sur le thème de la création d’un CSCME et prendre le temps nécessaire pour consulter les « soumissions » présentées par des experts et des associations crédibles.
Allons plus loin encore dans ce raisonnement qui se veut franc et direct, car le moment est grave et la question mérite que nous la posions avec tout le sérieux requis : pourquoi ne pas prendre les mesures les plus strictes pour « dissuader » tous ces opportunistes et ces « affairistes » qui s’agitent, en particulier à Rabat, et tentent d’accaparer le CSCME ?
Pourquoi, n’allons nous pas jusqu’au bout de notre volonté de finir avec tous ces maux (clientélisme, corruption, passe droit) qui entravent l’évolution de notre société et empêchent la modernisation et la démocratisation de notre vie publique et politique ?
Soyons moins complaisants avec tous ces individus sinistres, ces amicales surannées et ces « ONG » fantoches qui ne représentent qu’eux-mêmes, qui n’ont de rapports avec les MRE que virtuels et « affairiste » qui harcèlent le CCDH et hantent les antichambres des cabinets ministériels dans le seul but de s’assurer des places dans le futur CSCME.
Que dire de ces associations qui, comme « ahl al-kahf », sont sorties de leur longue hibernation et leur long silence pour découvrir éberluées la question de la représentativité MRE et qui occupent aujourd’hui tout l’espace médiatique ? Que penser de ces « ONG » qui ont émergé dans le champ associatif tel Zorro aux cris de c’est nous ou le déluge, qui se targuent du sigle d’ONG et qui encombrent, sans retenue, les boites mail de centaines de MRE ou de cabinets ministériels ?
Il n’y a pas de doute. Les membres du CCDH ne sont pas dupes. Ils savent très bien que tout ce sait. Ils savent aussi qu’on ne peut cacher le soleil avec un tamis, qu’on ne peut berner les MRE indéfiniment et que la vérité finit toujours par triompher.
C’est indiscutable, les MRE accordent une confiance sans limite à SM le Roi Mohamed VI. Aujourd’hui, ils sont disposés à faire confiance au CCDH. Ils comptent véritablement sur l’expérience de son président, sur la compétence de ses membres, sur leur discernement pour séparer le grain du livré.
Les membres du CCDH savent très bien que s’ils se laissent abuser par des « clubs » ou par des pseudos « ONG » ils prendraient le risque de gâcher tout ce capital de confiance. Les MRE n’accepteront pas d’être, une fois de plus, les dindons de la farce. Autrement dit, être écartés des décisions les concernant au profit de structures ou d’individus, qui, fondamentalement et historiquement, ne présentent qu’eux-mêmes. Et encore !
Il va sans dire que cette farce a assez duré. Le dossier de la participation politique des MRE a traversé toutes les alternances politiques et a connu les revirements les plus spectaculaires (16 juin 2006) et les plus surprenants. Son arrivée au CSDH n’est pas le fruit du hasard. Elle émane d’une initiative royale et d’une volonté sincère qui consiste à rendre justice à la communauté des MRE dans sa diversité et dans le respect de sa contribution au progrès économique et social de notre pays.
Le CCDH ne peut aujourd’hui ignorer cette réalité comme il ne peut ne pas prendre en considération la volonté des MRE de participer à la vie politique de leur pays et leur désir de contribuer directement aux consultations et travaux visant la mise en place de leur propre Conseil.
En somme, une hirondelle ne fait pas le printemps et une rencontre à Rabat, même avec le soutien du CCDH et la bénédiction d’un parti politique et d’un ministre, ne peut en aucune manière satisfaire au manque de consultation et de concertation pointé du doigt par les MRE.
La consultation c’est la clef de la réussite. La consultation n’est ce pas l’essence même de la mission que SM le Roi a confiée au CCDH ?

Mohammed Mraizika
Chercheur en Sciences Sociales et en droit International Humanitaire.
Président d’almohagir .