Pendant ce temps-là, le Conseil consultatif des droits de l’homme (CCDH) s’attèle à faire émerger le Conseil supérieur pour la communauté marocaine à l’étranger (CSCME). Bel imbroglio politique, juridique et institutionnel.
L’apport économique et même social des MRE n’est plus à prouver, il constitue aujourd’hui un puissant amortisseur social pour l’ensemble des régions marocaines.
Ce n’est point l’intérêt qui fit défaut aux dizaines d’ONG marocaines établies à l’étranger qui firent le déplacement à Rabat au début du mois courant dans le cadre de la commission du Conseil consultatif des droits de l’Homme (CCDH) chargée d’organiser le débat autour de la question du Conseil supérieur pour la communauté marocaine à l’Etranger (CSCME). La représentativité des MRE n’est plus un souci pour chacun d’eux. Elle est devenue une angoisse insoutenable. Quel niveau de représentativité ? Le CSCME ? La chambre basse ? La chambre haute ? Tous ces niveaux à la fois ? Le CSCME serait-il une compensation à la perte du droit de vote et d’éligibilité des MRE ? Fut-il « supérieur », ce Conseil constitue-t-il le premier pas vers une véritable représentativité démocratique ou seulement un cadre formel sans envergure institutionnelle et politique tangible ?
Plus d’une cinquantaine d’ONG s’est unanimement accordée sur des interrogations et des réflexions portant sur la véritable valeur démocratique du CSCME. Ces ONG, présentes sur le terrain dans les pays d’accueil, durent signer un document reflétant leurs interrogations et leurs réflexions.
Ainsi, pour elles, « l’exercice des droits civiques des MRE est tout d’abord une question d’égalité devant la citoyenneté. Ceci implique, ont-elles précisé, la participation de l’ensemble des citoyens, y compris ceux de l’étranger. Malheureusement, ajoute-t-elles, même si la Constitution marocaine dans son article 8 stipule que : « L’homme et la femme jouissent de droits politiques égaux et que sont électeurs tous les citoyens majeurs des deux sexes jouissant de leurs droits civils et politiques », les MRE doivent encore se déplacer au Maroc le jour du scrutin. Par conséquent, ils ne voteront pas. Il en est de même pour se porter candidat, car ils doivent rentrer au Maroc quelques mois avant le scrutin afin de remplir les conditions nécessaires à cet effet ».
Pour que le CSCME soit une institution efficiente, il doit, selon les signataires, « être composé de membres élus dans une mixité et une diversité intergénérationnelle par les MRE, sachant qu’ils seront appelés à les représenter au moins dans l’une ou l’autre chambre. Quant au volet d’opérationnalité, le Conseil devra, selon les signataires, se doter de structures décentralisées permanentes dans les pays d’accueil, afin d’assurer la continuité des liens avec les Marocains de l’étranger. De plus, à titre consultatif, il devra s´exprimer sur tout projet de loi ou de règlement ayant trait aux MRE et collaborer à l’élaboration des politiques publiques en la matière. Ainsi, le Conseil constituera un atout pour le processus de modernisation et de démocratisation du pays ». Abdelhamid El Jamri, membre du Comité d’experts, nommé par le CCDH, tente d’avancer quelques esquisses de réponses aux interrogations exprimées par les MRE. Il a récemment déclaré : « L’objectif du Conseil Supérieur des Marocains du monde (CSCME) n’est pas de remplacer l’administration marocaine. Selon moi, son rôle sera politique. De plus, il aura certainement la charge d’être consulté sur un certain nombre de sujets qui concernent la migration marocaine et il sera une force de propositions quant à la vie des institutions publiques ».
Crédibilité et opérationnalité
Quelles missions pour Le CSCME alors ? « Il ne sera ni un ministère ni une fondation. Ce sera un Conseil qui représentera et défendra les intérêts des marocains de l’étranger par une participation à la gouvernance publique. Ses membres viendront majoritairement d’ailleurs et apporteront beaucoup de richesses, notamment, celles des bonnes pratiques de la démocratie, de la rigueur et du bon sens. Ils sauront faire les propositions idoines, notamment pour un meilleur fonctionnement de l’administration marocaine qui sera bénéfique pour tous les citoyens marocains. Les marocains de l’étranger veulent être considérés comme tous les marocains avec l’ambition affichée de tirer les pratiques vers le haut ». Certes, mais tout cela ne répond pas à la question de savoir comment le CSCME pourra investir la synergie représentative et, par conséquent, démocratique ?
Irons-nous, par exemple, vers le modèle français du « Conseil supérieur des Français de l’étranger » d’où émanent les sénateurs qui représentent la diaspora de ce pays ? Il semble que la classe politique elle-même s’est engouffrée dans une démarche pour le moins frileuse. Une démarche qualifiée de « progressive ». Le sempiternel « spécialiste de l’immigration » Belguendouz n’hésite pas à y voir une sorte de contournement de la volonté royale : « La formule démarche progressive », est celle employée par le Ministère de l’Intérieur et les partis de la majorité gouvernementale. On la trouve dans leur communiqué commun du 16 juin 2006, sanctionnant le dialogue sur le projet de révision du code électoral, qui allait être soumis au Parlement. L’accord s’est fait pour que, lors des prochaines élections législatives, les Marocains résidants à l’étranger ne puissent voter et être candidats que s’ils sont au Maroc et non pas dans les pays de séjour, à travers la création de circonscriptions électorales législatives de l’étranger, comme annoncé dans le discours Royal du 6 novembre 2005 » Quid alors du rendez-vous du 7 septembre ?
« Officiellement, Il ne s’agit que d’un report justifié par la nécessité d’avoir une période provisoire de préparation des conditions matérielles et juridiques requises. La discussion ultérieure et les « arguments » avancés, ici et là, montrent en fait qu’il s’agit d’une véritable annulation et de la remise en cause d’un acquis solennellement annoncé par le Roi. « Les tentatives de justification avancées par le gouvernement et sa majorité ne sont que des alibis ». Belguendouze n’hésite pas non plus à pointer la « paresse bureaucratique » qui a abouti à la situation alambiquée actuelle : « Dire que l’on n’a pas eu le temps de se préparer est inexact. Déjà en 2002, sous le Gouvernement de l’alternance consensuelle dirigé par Abderrahmane Youssoufi, cela avait été invoqué. Ce qui est en cause, c’est la paresse bureaucratique, le manque d’organisation et d’anticipation. Sinon, comment expliquer qu’en cette période même, l’émigration algérienne est appelée pour la troisième fois, à élire huit députés dans des circonscriptions à l’étranger, pour siéger dans la première chambre du Parlement algérien ? Cet exemple à lui seul, montre par ailleurs la non-consistance d’une autre raison invoquée, à savoir que les pays de séjour interdisent ce genre de vote chez eux... »
Respecter la volonté royale
En vérité, nous sommes appelés à examiner la meilleure façon d’intégrer au plus vite les MRE dans le paysage institutionnel marocain tel que le conçoit la constitution. Qu’est-ce qui empêche que l’on réaménage la loi électorale pour introduire des circonscriptions à l’étranger ? Qu’est-ce qui interdit d’y organiser des élections trois mois après le rendez-vous législatif intérieur ? Rejeter les MRE jusqu’en 2012 n’est ni régulier ni moral, d’autant que le discours royal du 6 novembre 2005 est explicite à cet égard : « Quant à la deuxième décision, qui découle, d’ailleurs, de la première, elle porte sur la nécessité de créer des circonscriptions législatives électorales à l’étranger, afin de permettre à nos citoyens de l’étranger de choisir leurs députés dans la première Chambre du Parlement. Il est à noter, à cet égard, qu’ils jouissent, sur un pied d’égalité, des droits politiques et civils que confère la loi à tous les Marocains, dont celui d’être électeurs et éligibles dans le pays. (…) Nous donnons, à cette fin, instruction au gouvernement pour prendre les mesures nécessaires à la mise en oeuvre de ces trois décisions, lors de la révision de la législation électorale ».
Depuis 2003, les séjours des touristes MRE a dépassé ceux des étrangers. Il a fallu attendre 2006 pour que cette tendance soit inversée. Durant les trois mois de l’été, des secteurs tels que l’immobilier, le tourisme, les télécoms… sont fortement dopés par le séjour des MRE. L’apport économique et même social de ces derniers n’est plus à prouver. Il constitue aujourd’hui un puissant amortisseur social pour l’ensemble des régions marocaines.
Ce poids est doublé par le niveau de qualification et de formation de ces MRE qui constituent les 10% les plus performants de notre peuple. Au point que le Souverain vient d’ordonner la création de trois prix Mohammed VI pour les MRE. Le CCDH qui planche sur la formation du Conseil supérieur de la communauté marocaine à l’étranger (CSCME) a été missionné par le Roi lui-même.
Puissent son président, Ahmed Herzenni, et ses collègues, sauver la face des politiques qui ont fait avorter le vote de nos compatriotes du monde dans leurs pays d’accueil !
2,7 millions de MRE attendus cet été
Le Maroc se prépare, en collaboration avec l’Espagne, à assurer l’accueil de 2,7 millions de ses ressortissants résidant à l’étranger, qui passeront leurs vacances d’été dans le pays. Le nombre des Marocains de l’étranger qui passeront les vacances d’été au pays devrait augmenter de 6% par rapport à 2006 et atteindrait 2,7 millions de personnes. Ces chiffres englobent les étrangers d’origine marocaine qui ne perdent pas leur nationalité, selon la loi marocaine. Un comité maroco-espagnol s’était déjà réuni le 10 mai, pour coordonner les actions des autorités des deux pays durant le transit des estivants marocains, dont la plupart traversent le territoire espagnol. L’effectif consulaire du Royaume a été renforcé dans les principaux points et axes de transit en Espagne comme Algesiras, Almeria ou Barcelone.
Au Maroc, une cellule de veille chargée d’assurer le suivi du transit, du 15 juin au 15 septembre, a été mise sur pied. Des aires de repos ont été aménagées et des mesures ont été prises pour faciliter les procédures accompagnant les voyages. Le nombre des Marocains de l’étranger inscrits auprès de consulats est estimé à environ trois millions, alors que des statistiques manquent pour les Marocains en situation irrégulière dans les pays d’accueil. En 2006, leurs transferts d’argent vers le Maroc se sont élevés à 4,34 milliards d’euros, chiffre en progression de 17,2% par rapport à 2005.
Un attachement très fort au pays
Le Haut commissariat du plan (HCP) que préside Ahmed Lahlimi vient de publier les résultats d’une enquête qui fait ressortir l’idée centrale de l’attachement des MRE au Royaume. A contrario, l’intégration des Marocains résidant à l’étranger dans les pays d’accueil s’avère très faible. C’est le constat principal d’une enquête effectuée par le HCP auprès d’un échantillon de 2.832 chefs de ménage d’émigrés marocains, en vue de mieux connaître leurs conditions d’insertion dans les pays de résidence. Cette situation s’explique par bon nombre de données. La plus importante est relative à l’emploi occupé, qui ne correspond pas du tout à la formation de 42,4 % des MRE. On note également un exercice des métiers faiblement qualifiés. 71% des MRE actifs sont concentrés dans des professions à faible qualification. Seuls 7,5% exercent des professions libérales ou sont des cadres supérieurs.
On peut appréhender aussi cette faible intégration par le mariage mixte qui ne représente que 8,5 %. En outre, 11 % seulement ne vivent pas avec leur conjoint dans les pays d’accueil. L’acquisition de la nationalité demeure également faible. 1/3 seulement des enquêtés, a acquis la nationalité du pays d’accueil. La participation à la vie politique est une autre donnée qui appuie le constat de l’enquête et montre que la population des MRE est faiblement intégrée dans l’environnement où elle vit. En effet, parmi les chefs de ménage enquêtés ayant le droit, 30 % déclarent qu’ils se sont inscrits sur les listes électorales. En raison de leur insatisfaction des conditions de vie dans les pays hôtes, 14,7 % expriment la volonté de revenir dans le pays d’origine. Les intentions de la migration de retour sont, selon l’enquête, plus prononcées parmi ceux ayant atteint l’âge de la fin des études supérieures, soit 65,7 % et aussi parmi ceux qui sont au début de la retraite (70 %).
Le Haut commissaire au Plan, Ahmed Lahlimi, explique qu’il existe un fort attachement des MRE à leur pays avec cependant des rapports qui se distendent dans la catégorie des nouvelles générations. Ce sont en effet les MRE chefs de ménage, ayant suivi leurs études à l’étranger, qui sont relativement moins intéressés (44%) par la migration de retour, en comparaison avec ceux qui ont été scolarisés au Maroc. La propension à investir au Maroc est plus élevée parmi les anciens que parmi les nouveaux immigrés : 91 % pour ceux qui ont émigré avant 1960 et 13 % pour ceux qui ont émigré au cours des années 2000. Les résultats de l’enquête sont d’une plus haute importance, car ils constitueront la base pour l’analyse de profil sociodémographique de cette catégorie de population, de sa mobilité géographique et de son insertion socio-économique et socioculturelle dans les pays d’accueil.
Gazette du Maroc - Abdessamad Mouhieddine