Immobilier, tourisme, commerce,biens de grande consommation et téléphonie mobile sont les principaux bénéficiaires de la manne MRE. Le chiffre d’affaires de certains petits métiers peut augmenter de 200 % par rapport à une période normale. On le sait, le retour des Marocains résidents à l’étranger dope l’économie et bien des entreprises calquent leur période de haute saison sur les trois mois estivaux. Mais certains secteurs en profitent plus que d’autres. Des métiers s’organisent en fonction du retour béni de ces compatriotes qui vivent onze mois sur douze à l’étranger.
De juin à fin août, ce sont plus de deux millions de Marocains qui s’ajoutent à la population nationale. Pour Nouzha Chekrouni, ministre déléguée chargée de la communauté marocaine résidente à l’étranger, « c’est une aubaine pour l’économie marocaine ».
La ministre, qui vient d’assister au Smap Immo 2007 qui s’est tenu le week-end dernier à Paris, cite justement en exemple les investissements immobiliers des MRE comme un indice de leur contribution directe à la dynamique économique, et ce en plus des transferts qui s’étalent tout au long de l’année. En effet, selon les chiffres de l’Office des changes, 83% des MRE (du moins parmi les actifs) investissent dans l’immobilier.
Des biens qui sont acquis, pour la plupart d’entre eux, durant les trois mois d’été. « Le retour des MRE est considéré comme une haute saison pour le secteur. Près de 30%de notre chiffre d’affaires se fait avec cette catégorie de la population durant les trois mois d’été », explique Abdelwahab Alami, promoteur immobilier casablancais. Et d’ajouter : « Nous ne pratiquons aucune hausse des prix. Mais ils demeurent des clients privilégiés parce qu’ils disposent d’importantes sommes d’argent ».
L’informel en profite particulièrement et il y a un risque permanent de pénurie de main-d’oeuvre. Mais il n’y a pas que les promoteurs qui en profitent. Les autres métiers de l’immobilier sont ainsi boostés par le retour des MRE. Ouvriers, peintres, plombiers, électriciens, menuisiers..., en moyenne leurs revenus doublent durant cette période. « Et en plus, on doit gérer un risque permanent de pénurie de main-d’oeuvre sur le marché », souligne Aziz Hammoudou, promoteur casablancais. Autant de petits métiers qui voient donc leur activité boostée par ce retour des MRE.
Ces derniers, près de trois millions en 2006, dont une grande majorité durant les trois mois d’été, augmentent également la cadence de la consommation, essentiellement des produits alimentaires de base, mais également des activités de loisirs et des dépenses culturelles. « Leur nombre représente tout de même 10%de la population marocaine mais avec un pouvoir d’achat beaucoup plus important », souligne pour sa part l’économiste Najib Akesbi qui relie la période estivale à la tenue de fêtes familiales.
« C’est à l’occasion de ces fêtes, mariages notamment, que la consommation croît. Poulet, viande, gâteaux, mais également caftans et produits artisanaux sont davantage consommés », fait-il remarquer. L’universitaire met également en relation l’attachement de cette tranche de la population à la famille. En effet, les transferts des MRE sont pour une part significative un vecteur de la solidarité familiale (26% du total des transferts). « Ceci permet au MRE d’offrir des vacances à sa famille, de lui payer des loisirs qu’elle ne peut pas se permettre en temps normal », explique M.Akesbi. Cet impact est variable, selon lui, en fonction des régions du Maroc.
« Dans des villes comme Nador, Berkane, Saïdia, Fkih Ben Saleh, localités qui constituent un véritable pourvoyeur d’émigrants, cette hausse de la consommation peut atteindre des taux de 150 à 200 %». Peut-on parler de l’émergence d’une classe moyenne durant ces trois mois d’été ? « On ne peut s’avancer à l’affirmer car il ne s’agit que d’un phénomène estival. Mais il demeure vrai que les transferts des MRE constituent,dans de nombreuses régions du Royaume, la principale source de revenus suite aux années de sécheresse et au taux de chômage élevé », explique cet économiste.
60% des arrivées entre juillet et août
Outre l’immobilier et les métiers informels, des secteurs entiers de l’économie en profitent également. C’est le cas du tourisme et de la téléphonie mobile. Durant les trois mois de l’été 2006, ce sont près de 1,3 million de cartes prépayées qui ont été vendues par les deux opérateurs. Si l’on sait qu’en juin 2006 le chiffre des abonnés prépayés était de l’ordre de 12,5 millions, on perçoit l’importance de cette clientèle. Téléboutiques et vendeurs de recharge en profitent également.
Mais ce sont incontestablement les différents métiers du tourisme qui bénéficient de l’aubaine MRE. 1,1 million à être revenus au pays en 1995, ils sont près de 3 millions à l’avoir visité en 2006. A partir de 2003, ils sont même devenus les premiers clients du tourisme au Maroc : 60%des arrivées sont comptabilisées en juillet et août. Il a fallu attendre l’année 2006 pour que le nombre d’étrangers dépasse celui de nos compatriotes. En outre, les MRE effectuent en moyenne un séjour plus long que celui des touristes étrangers, qui ne dépasse pas 6 jours.
Une véritable manne financière
Les transferts des MRE se sont nettement accélérés au cours de ces dix dernières années, passant de 18 milliards de DH en 1997 à 48 milliards de DH en 2006, soit une progression annuelle moyenne de 9,7%.
Entre 2001 et 2006, les transferts ont représenté 7,8% du PIB. Entre 1997 et 2005, ils ont en outre couvert 59% du déficit commercial et ont constitué la première source de devises, devançant le tourisme, les investissements et prêts privés étrangers et les tirages de la dette publique
La vie économique - Fadoua Ghannam