29 mai 2006

UN MAROCAIN A L’ONU



Abdelhamid El Jamri,
Vice-président du Comité de protection des droits des travailleurs des Nations Unies

LAMIA BOUZBOUZ
01 Mai 2006

Voilà une semaine qu’il ne quitte plus son nouveau bureau à Genève. Abdelhamid El Jamri a du pain sur la planche depuis qu’il a été élu Vice-président du Comité de protection des droits des travailleurs migrants et de leur famille des Nations Unies. Un poste que lui a valu sa réputation d’expert international en migration et en ingénierie de projets de développement. Une expertise qui l’avait notamment conduit auparavant dans les couloirs des institutions européennes à Bruxelles.
La Gazette du Maroc : Il est rare qu’un Marocain occupe un tel poste au sein des Nations Unies. C’est presque un exploit…
Abdelhamid El Jamri : Je ne suis pas le seul Marocain au sein des Nations Unies. Essaidia Belmir est une autre Marocaine qui vient d’être élue pour faire partie du comité des Nations Unies contre la torture. L'on peut effectivement remarquer la rareté des Marocains au niveau des institutions internationales d’une manière générale.
Le Maroc ne manque pourtant pas de profils intéressants dans ce sens. C’est dû à quoi à votre avis ?
Je pense d'abord que pendant longtemps, le gouvernement marocain n’a pas accordé beaucoup d'importance à la présence marocaine autre que gouvernementale dans les instances internationales. Je parle comparativement à d’autres pays arabes comme l'Egypte, l'Algérie ou la Tunisie… Pourtant, il est vrai que le Maroc regorge de compétences et il ne profite pas assez de celles des Marocains de l’étranger. Il faudrait trouver les moyens de les utiliser, que ce soit pour son développement local ou pour le défendre sur la scène internationale, notamment sur le dossier du Sahara.
Votre élection en tant que Vice-président d’un comité au sein des Nations Unies est-elle un signal pour le Maroc ?
Je ne représente pas le Maroc dans ce poste. De même que je n’ai aucune relation structurelle avec le Maroc dans le sens où je ne reçois pas de consignes et je ne rends aucun compte concernant mon activité au gouvernement marocain.
C’est un poste qui nécessite un grand investissement personnel et j’y ai été élu pour être un expert international indépendant. C’est en tout cas un poste qui nécessite du temps.
Vous en restera-t-il pour assurer vos activités aussi bien en France qu’au Maroc ?
Si le Maroc m'aide, oui... (Rire).
Ah bon ? Quel genre d’aide ?
Il se trouve que c’est mon activité au Maroc qui me prend le plus de temps et cela est dû à un énorme décalage quant au rythme de travail. Le rythme au Maroc, par rapport au respect des engagements, à la gestion du temps, à la délivrance des documents et autorisations… reste très long !
Comment se porte «l’image» du Maroc au niveau du Comité dont vous assurez la vice-présidence au sein de l’ONU ?
Au-delà de l'image d'un Maroc beau et touristique, il est vu ici comme un pays qui avance, surtout au niveau des droits humains et de l'instauration de l'Etat de droit. Par comparaison aux pays africains et arabes, le Maroc se distingue. On en parle à part, comme c’est le cas par exemple pour l'Afrique du Sud.
Mais qu’en est-il du respect des droits des travailleurs ? Sommes-nous dans les règles ?
En tant que Comité, je ne pourrais en parler qu'au vu du rapport que va présenter le Maroc et des rapports alternatifs que la société civile ou autres institutions vont présenter.
Un rapport qui tarde à se pointer…
En effet, le Maroc n'a pas encore présenté son rapport au Comité sur l'état d'application de la convention sur les droits des travailleurs migrants. Il a pourtant tout à gagner à le faire rapidement. Ça va lui permettre de faire part d'un ensemble d'avancées enregistrées dans la gestion migratoire et, de là, trouver des solutions ou des débuts de solutions aux aspects un peu difficiles du dossier. Le Secrétariat de notre comité, le commissariat des droits de l'homme à l'UNHCR, l'OIT, l'OIM et moi- même, nous nous mettons à la disposition du gouvernement marocain pour l'aider dans cette démarche.
Au lieu de solliciter sans cesse l’aide internationale, le Maroc ne ferait-il pas mieux de former des gens à son niveau spécialisés dans ces domaines ?
Disons que ça va être la première fois que le Maroc va présenter un rapport à ce sujet. Le retard est dû certainement à son manque d’expérience dans ce genre d’exercices. Cela dit, il est vrai qu’il aurait tout à gagner à mettre en place un ensemble d'actions en direction des fonctionnaires concernés par la migration, et même en direction de la société civile qu'il va falloir associer à l'élaboration du rapport...