21 juin 2006

Les Nations Unies et les droits des migrants

Le comité pour la protection des droits des travailleurs et de leurs familles de l'ONU a élu, le mois d’avril dernier, le Marocain, Abdelhamid El Jamri, vice président du Comité. Il nous livre, ici, ses vues.


La Gazette du Maroc : Vous avez été élu au comité des droits de l’homme des migrants et leurs familles, que représente pour le Marocain que vous êtes une telle élection ?
Abdelhamid EL JAMRI : Merci pour vos félicitations et j’en profite pour remercier toutes celles et tous ceux qui m’ont envoyé des messages à ce sujet-là. L’élection, en elle-même, n’est pas un fait extraordinaire. Nous avons tous, quand on est un peu actif dans un domaine, notamment le domaine du développement, des droits humains, associatifs…etc, l’habitude d’être élu à des postes de responsabilité. Mais s’agissant des Comités de surveillance des instruments des Nations Unies, c’est un peu différent. Il s’agit d’une responsabilité dont on a la charge au niveau de la communauté internationale. Donc, votre pays devient le Monde. Alors qu’est ce que ça représente pour moi ? Au niveau personnel, bien sûr, beaucoup de satisfaction, c’est une forme de reconnaissance. C’est vrai que cela fait maintenant plus de 2 ans que j’ai été élu dans ce comité en tant que membre ; aujourd’hui, j’en suis le vice-président, choisi par mes autres collègues experts, j’en suis fier. En tant que Marocain, je suis encore plus fier de siéger dans une telle instance, surtout que les Marocains sont très rares dans les instances internationales de ce niveau. J’en suis encore plus fier, parce que cette élection, je n’en fais pas une affaire personnelle. Je suis issu de la société civile et je me fais le porte parole de toutes celles et tous ceux avec qui j’ai partagé plusieurs actions, depuis plusieurs années, pour un meilleur être des migrants.
Quels sont les domaines d'intervention d’un tel comité ?
Comme vous savez certainement, au niveau des Nations Unies, la Convention pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et de leurs familles est le 7ème instrument, à côté de la déclaration universelle des droits de l’homme, la convention sur les droits économiques, sociaux et culturels, la convention sur les droits de l’enfant… A chaque fois qu’une convention est entrée en vigueur, le Secrétaire Général des NU met en place et fait élire, par les Etats parties, un comité international d’experts indépendants, en vue de surveiller l’état du respect de la convention dans ces différents Etats. Donc notre comité a comme rôle d’examiner les rapports présentés par les Etats parties, de les instruire, de le discuter avec eux et de leur faire des recommandations pour une meilleure application des différentes dispositions de la convention. Notre comité s’est donné comme rôle, aussi, de faire la promotion de la convention au niveau international, en vue d’une meilleure ratification et cela en relation avec des collectifs d’ONG dans différents pays.
Quel apport aura-t-il pour les migrants et leur situation dans les pays d’accueil ?
La Convention sur les droits des migrants est le seul instrument spécifique de défense des droits des migrants. Elle concerne aussi bien le pays d’accueil que le pays d’origine ou de transit. Elle octroie des droits humains fondamentaux et des droits spécifiques liés à la situation d’immigration : respect de la personne, droit au regroupement familial, droit au recours à toute décision administrative ou judiciaire, droit de participation à la vie politique locale, droit à la participation à la vie politique dans le pays d’origine, droit à la législation du travail…. Un pays qui a ratifié la Convention doit mettre en place un ensemble de dispositions pour permettre aux migrants d’être informés de ces droits et doit réformer ses appareils pour les rendre compatibles.
Vous êtes l’un des Marocains qui, de plus en plus, s’imposent comme des activistes de renommée internationale en matière des droits humains sur le plan mondial, quel commentaire ?
Je m’en suis pas encore rendu compte ! (sourire) C’est vrai, quand on est dans l’action, dans des dynamiques…, on ne fait pas attention à ce qu’on serait devenu ou représenté dans l’opinion publique, mais pour moi, ce n’est pas le plus important.
Quelle est la prochaine, sinon la tâche primordiale et urgente à la quelle vous vous attellerez ?
Au niveau des Nations Unies, nous avons principalement deux tâches, d’abord des Etats parties ont commencé à se dégager de leur obligation de présenter un rapport à notre comité. J’en suis rapporteur pour certains d’entre eux. C’est une lourde tâche et grande responsabilité. Ensuite, l’année 2006 a été proclamée année Migration et Développement. Plusieurs activités sont prévues, au niveau international, pour mettre la question de la gestion internationale des migrations sur l’agenda international et, notamment, sur celui du Secrétaire Général des Nations Unies. Au niveau du Maroc, je suis très impliqué dans des actions de renforcement des capacités des acteurs de développement, par la formation dans de nouveaux domaines et par le conseil dans tout ce qui est ingénierie de projets de développement. Et je suis, bien sûr, impliqué au niveau de l’INDH, avec son Comité de Pilotage, notamment sur les questions liées à l’évaluation des projets lancés et à lancer.
Omar Rifi (La Gazette du Maroc)