Il n’existe pas d’étude exhaustive sur le sujet, simplement des histoires racontées par celles et ceux qui font remonter des réalités du terrain. Ces histoires sont celles de jeunes filles d’origine marocaine vivant en Europe victimes de mariages forcés. Au Maroc, en dépit de la réforme de la Moudouwana, cette pratique reste très courante dans plusieurs régions, surtout pendant la période estivale. Et pour de nombreuses jeunes filles, les vacances au pays se transforment souvent en cauchemar.
« En un jour, j’ai été projetée un siècle en arrière dans un pays que je connaissais à peine et mariée contre mon gré à un homme plus âgé que moi », dit Lamia.
Elle avait vingt ans quand ses parents ont décidé de la marier à un homme qu’elle n’avait jamais vu et dont elle serait la troisième épouse. Le cas de Lamia est loin d’être isolé. Plusieurs jeunes filles se retrouvent dans des situations similaires et sans aucun recours.
Pour éviter qu’elles ne s’enfuient, les parents s’arrangent généralement pour leur retirer tous leurs papiers et préparent tout à l’avance, ne laissant ainsi aucune alternative aux filles : « Lors de notre voyage annuel au Maroc, nous avons assisté, ma sœur et moi, à des préparatifs. Lorsque j’ai demandé à ma cousine « qui se marie ? » elle m’a répondu : « toi et ta sœur ». Tout le monde était au courant sauf nous. C’est alors que mon père nous a annoncé la nouvelle. J’ai supplié ma mère d’empêcher ce mariage. Elle est restée indifférente et m’a juste dit : tant qu’il ne boit pas et qu’il ne fume pas, c’est bien, et l’amour dans de toutes les façons ça ne compte pas et ça n’existe pas », témoigne H, 22 ans.
La peur d’oublier leurs origines
Au nom de la tradition, de la culture et de la religion, les parents pensent agir pour le bien de leurs filles. La crainte qu’elles aient de mauvaises fréquentations ou qu’elles soient influencées par le mode de vie occidentale les pousse à les marier. « Ils ont peur des libertés que connaissent les jeunes à l’étranger.
Ils craignent que leurs enfants oublient leurs origines et leurs traditions, explique Bouchra Abdou, membre du bureau national de la Ligue démocratique pour les droits des femmes. La plupart des parents ont eux aussi été mariés sans s’être jamais vus. Ils ne font que reproduire le schéma traditionnel ». Abandonnées dans un pays dont elles ignorent souvent la langue, les coutumes et le mode de vie, privées de leurs droits les plus fondamentaux, ces jeunes filles se retrouvent, du jour au lendemain, prisonnières d’un mari et d’une tradition ancestrale.
« C’est sous les coups que j’ai signé les papiers du mariage, sans savoir ce que signifiaient ces documents. Après, j’ai été violée, maltraitée et menacée du pire au cas où je songerais à m’enfuir », dit F. 23 ans. Cependant elles ne restent pas toutes au Maroc.
Certaines après leur mariage retournent en France en compagnie de leur conjoint après la régularisation de leurs papiers.
C’est le cas de Leïla mariée de force à 20 ans à un homme de 15 ans son aîné. « Je ne l’avais jamais vu. Le mariage a été réglé au Maroc et quelques mois après, nous étions officiellement mariés en France. J’ai supplié mes parents jusqu’à la dernière minute. En vain ! J’ai fini par dire oui d’une voix qui n’était pas la mienne, signé un papier que je ne voyais même pas, tant mes yeux étaient brouillés de larmes.
Quand j’ai fait venir mon mari en France, ma belle-mère est venue vivre avec nous. Mon mari ne travaillait pas et c’était à moi de subvenir à tous leurs besoins », témoigne Leïla. Jusqu’à présent, les autorités marocaines se sont très peu souciées de ce problème. Sujet tabou pour la société, il s’agit souvent d’affaires de famille et personne ne cherche à s’en mêler. Pratiqué au nom de l’Islam, le mariage forcé est admis et toléré. Toute la famille approuve cette pratique et l’encourage.
Parfois, ce sont même les tantes ou les oncles au Maroc qui se chargent de trouver le mari idéal, qui organisent le mariage... Certaines filles arrivent parfois à s’en sortir et évitent ce drame : « Quand j’ai appris la nouvelle une fois au Maroc, je me suis enfuie chez une amie et j’ai réussi à prendre contact ave une assistante sociale en France et ensuite avec le consulat qui m’a aidée à repartir », raconte Fatine.
Mais des cas comme celui-ci restent rares. Aujourd’hui, le nouveau Code de la famille donne plus de droits aux femmes et protège les jeunes filles contre le mariage forcé.
Comment s’en sortir ? N’ayant plus besoin de « wilaya », et devant avoir l’autorisation du juge de la famille pour se marier, elles peuvent exprimer leur refus. Cependant, les associations féminines sont conscientes que l’application de cette loi n’est effective que s’il y a un véritable contrôle de la part de l’Etat et de la justice et une campagne de sensibilisation à l’échelle nationale.
La corruption, la méconnaissance de la loi, les mentalités rétrogrades de certains magistrats... sont autant de facteurs qui peuvent entraver la mise en application du Code. « Légalement, la jeune fille peut exprimer son refus au juge, juridiquement, elle est protégée, mais dans les faits c’est une autre histoire ! S’opposer aux parents n’est pas facile pour elles. Leur seul recours est de demander le divorce », explique Bouchra Abdou.
Pour éviter que cela n’arrive à d’autres, plusieurs associations dans les pays d’accueil luttent contre le mariage forcé et essayent au maximum de sensibiliser les jeunes filles en leur conseillant de toujours garder une copie de leurs papiers d’identité, de confier le numéro de passeport à des amis restés à l’étranger et d’avertir une assistante sociale au cas où elles auraient des doutes sur leur voyage au Maroc. « J’ai déjà réussi à éviter de me marier une fois, mais je sais que la prochaine fois j’y passerais à coup sûr.
Maintenant je prends mes précautions et j’essaie de me protéger du mieux que je peux », conclut K.
« En un jour, j’ai été projetée un siècle en arrière dans un pays que je connaissais à peine et mariée contre mon gré à un homme plus âgé que moi », dit Lamia.
Elle avait vingt ans quand ses parents ont décidé de la marier à un homme qu’elle n’avait jamais vu et dont elle serait la troisième épouse. Le cas de Lamia est loin d’être isolé. Plusieurs jeunes filles se retrouvent dans des situations similaires et sans aucun recours.
Pour éviter qu’elles ne s’enfuient, les parents s’arrangent généralement pour leur retirer tous leurs papiers et préparent tout à l’avance, ne laissant ainsi aucune alternative aux filles : « Lors de notre voyage annuel au Maroc, nous avons assisté, ma sœur et moi, à des préparatifs. Lorsque j’ai demandé à ma cousine « qui se marie ? » elle m’a répondu : « toi et ta sœur ». Tout le monde était au courant sauf nous. C’est alors que mon père nous a annoncé la nouvelle. J’ai supplié ma mère d’empêcher ce mariage. Elle est restée indifférente et m’a juste dit : tant qu’il ne boit pas et qu’il ne fume pas, c’est bien, et l’amour dans de toutes les façons ça ne compte pas et ça n’existe pas », témoigne H, 22 ans.
La peur d’oublier leurs origines
Au nom de la tradition, de la culture et de la religion, les parents pensent agir pour le bien de leurs filles. La crainte qu’elles aient de mauvaises fréquentations ou qu’elles soient influencées par le mode de vie occidentale les pousse à les marier. « Ils ont peur des libertés que connaissent les jeunes à l’étranger.
Ils craignent que leurs enfants oublient leurs origines et leurs traditions, explique Bouchra Abdou, membre du bureau national de la Ligue démocratique pour les droits des femmes. La plupart des parents ont eux aussi été mariés sans s’être jamais vus. Ils ne font que reproduire le schéma traditionnel ». Abandonnées dans un pays dont elles ignorent souvent la langue, les coutumes et le mode de vie, privées de leurs droits les plus fondamentaux, ces jeunes filles se retrouvent, du jour au lendemain, prisonnières d’un mari et d’une tradition ancestrale.
« C’est sous les coups que j’ai signé les papiers du mariage, sans savoir ce que signifiaient ces documents. Après, j’ai été violée, maltraitée et menacée du pire au cas où je songerais à m’enfuir », dit F. 23 ans. Cependant elles ne restent pas toutes au Maroc.
Certaines après leur mariage retournent en France en compagnie de leur conjoint après la régularisation de leurs papiers.
C’est le cas de Leïla mariée de force à 20 ans à un homme de 15 ans son aîné. « Je ne l’avais jamais vu. Le mariage a été réglé au Maroc et quelques mois après, nous étions officiellement mariés en France. J’ai supplié mes parents jusqu’à la dernière minute. En vain ! J’ai fini par dire oui d’une voix qui n’était pas la mienne, signé un papier que je ne voyais même pas, tant mes yeux étaient brouillés de larmes.
Quand j’ai fait venir mon mari en France, ma belle-mère est venue vivre avec nous. Mon mari ne travaillait pas et c’était à moi de subvenir à tous leurs besoins », témoigne Leïla. Jusqu’à présent, les autorités marocaines se sont très peu souciées de ce problème. Sujet tabou pour la société, il s’agit souvent d’affaires de famille et personne ne cherche à s’en mêler. Pratiqué au nom de l’Islam, le mariage forcé est admis et toléré. Toute la famille approuve cette pratique et l’encourage.
Parfois, ce sont même les tantes ou les oncles au Maroc qui se chargent de trouver le mari idéal, qui organisent le mariage... Certaines filles arrivent parfois à s’en sortir et évitent ce drame : « Quand j’ai appris la nouvelle une fois au Maroc, je me suis enfuie chez une amie et j’ai réussi à prendre contact ave une assistante sociale en France et ensuite avec le consulat qui m’a aidée à repartir », raconte Fatine.
Mais des cas comme celui-ci restent rares. Aujourd’hui, le nouveau Code de la famille donne plus de droits aux femmes et protège les jeunes filles contre le mariage forcé.
Comment s’en sortir ? N’ayant plus besoin de « wilaya », et devant avoir l’autorisation du juge de la famille pour se marier, elles peuvent exprimer leur refus. Cependant, les associations féminines sont conscientes que l’application de cette loi n’est effective que s’il y a un véritable contrôle de la part de l’Etat et de la justice et une campagne de sensibilisation à l’échelle nationale.
La corruption, la méconnaissance de la loi, les mentalités rétrogrades de certains magistrats... sont autant de facteurs qui peuvent entraver la mise en application du Code. « Légalement, la jeune fille peut exprimer son refus au juge, juridiquement, elle est protégée, mais dans les faits c’est une autre histoire ! S’opposer aux parents n’est pas facile pour elles. Leur seul recours est de demander le divorce », explique Bouchra Abdou.
Pour éviter que cela n’arrive à d’autres, plusieurs associations dans les pays d’accueil luttent contre le mariage forcé et essayent au maximum de sensibiliser les jeunes filles en leur conseillant de toujours garder une copie de leurs papiers d’identité, de confier le numéro de passeport à des amis restés à l’étranger et d’avertir une assistante sociale au cas où elles auraient des doutes sur leur voyage au Maroc. « J’ai déjà réussi à éviter de me marier une fois, mais je sais que la prochaine fois j’y passerais à coup sûr.
Maintenant je prends mes précautions et j’essaie de me protéger du mieux que je peux », conclut K.
Dounia Z. Mseffer- Le Matin